MOLÉCULAIRES (JETS ET FAISCEAUX)

MOLÉCULAIRES (JETS ET FAISCEAUX)
MOLÉCULAIRES (JETS ET FAISCEAUX)

La propagation de particules neutres sous forme de faisceaux a permis de vérifier les bases de la physique moderne au cours d’expériences effectuées surtout de 1920 à 1930 à l’aide de faisceaux de première génération, les faisceaux moléculaires thermiques. Il faut citer d’abord la vérification de la loi de distribution des vitesses de Maxwell-Boltzmann, sur laquelle est fondée la théorie cinétique des gaz. Ensuite fut réalisée la fameuse expérience de Stern-Gerlach (1921), une démonstration directe de la quantification spatiale, par déflexion d’atomes d’argent dans un champ magnétique inhomogène. Ainsi, avec des faisceaux de particules à moments dipolaires magnétiques (ou électriques), la séparation, ou la sélection, d’états quantiques et la mesure des moments magnétiques (ou électriques) sont possibles. Elles sont obtenues par déflexion dans des champs magnétiques (ou électriques) inhomogènes, suivant les méthodes de I. I. Rabi (ou de N. F. Ramsey) respectivement. Ces déflexions ont trouvé plus tard d’autres applications, par exemple en spectroscopie hertzienne (dipôles électriques) et aussi dans l’horloge atomique qui est soit à faisceau de césium traversant une cavité hyperfréquence, soit à faisceau d’ammoniac ou d’hydrogène atomique, utilisant l’effet Maser de C. H. Townes (NH3) ou de N. F. Ramsey (H). D’une façon générale, dès que sa densité est suffisante, un faisceau moléculaire est le milieu idéal pour toute spectroscopie par suite de l’absence d’élargissements dus aux collisions et à l’effet Doppler-Fizeau. Ainsi, on le trouve dans le premier pompage optique (A. Kastler), dans la définition du mètre étalon à partir d’une raie du krypton 86, etc. C’est encore la forme de faisceau qui permet de suivre une évolution dans le temps, d’observer des effets de pression de radiation ou de réaliser un ultrarefroidissement par laser, de créer des interactions ponctuelles par collision unique gaz-gaz ou gaz-surface. Dès 1930, la diffraction d’un faisceau thermique d’hélium sur un cristal de fluorure de lithium montrait pour la première fois les propriétés ondulatoires des particules matérielles en mouvement, avec une longueur d’onde associée = h / p , de Louis de Broglie.

On peut déjà trouver, dans le domaine des jets et faisceaux moléculaires, onze Prix Nobel en ajoutant aux noms ci-dessus ceux des physiciens P. Kusch et W. Lamb (1955) et des trois physico-chimistes: D. Herschbach, Y. T. Lee et J. Polanyi (1986). Après avoir permis de contrôler les bases de la physique, les faisceaux moléculaires apportent à la chimie les moyens de comprendre les mécanismes élémentaires des réactions aussi bien que les possibilités de créer de nouvelles structures (agrégats, notamment les fullerènes), de nouveaux produits et même des molécules interstellaires.

1. Définition des trois types de faisceaux

Un volume de gaz en équilibre thermique (par exemple dans un réservoir à température uniforme et constante) est toujours dans un état désordonné appelé «chaos moléculaire». On y trouve un très grand nombre de molécules (2,7 憐 1019 dans un centimètre cube d’air à pression et température ambiantes) qui sont en mouvement continuel, avec des parcours en «zigzag» dont les parties linéaires commencent et finissent lors des collisions incessantes, qui se produisent entre molécules ou sur les parois du réservoir (cf. chambre 1, fig. 1). Les vitesses des molécules, dues à cette agitation thermique, ont des directions réparties uniformément dans tout l’espace et des grandeurs avec des distributions très larges. Les valeurs moyennes varient comme la racine carrée de la température absolue du gaz (cf. théorie CINÉTIQUE DES FLUIDES).

L’état de chaos moléculaire, qui caractérise normalement un gaz contenu dans un réservoir, peut être transformé en état ordonné sous forme de jet ou mieux de faisceau moléculaire. On y parvient en mettant le réservoir en communication directe avec une enceinte à vide, à travers un petit orifice à partir duquel se produit un premier écoulement ordonné. On obtient ainsi soit une effusion thermique où les molécules se déplacent isolément sans collisions, soit un jet supersonique où elles suivent un mouvement d’ensemble accompagné de très nombreuses collisions. Cela dépend des dimensions relatives du diamètre D de l’orifice et du libre parcours moyen0 des molécules dans le réservoir, qui est la distance moyenne parcourue entre deux collisions successives. Dans les deux cas, à l’aide de diaphragmes appropriés, on peut ensuite former un faisceau moléculaire que l’on peut définir comme un gaz monodimensionnel sans parois, se propageant optiquement dans le vide.

Si0 est plus grand que D (à faible pression P0 dans le réservoir, par exemple 10–2 mbar à température ambiante, pour D = 1 mm), les molécules s’échappent isolément et sans collisions par effusion thermique à travers l’orifice (fig. 1). Cette ouverture se comporte alors comme une source lumineuse en produisant des rayons moléculaires. Il suffit de les diaphragmer pour former un faisceau moléculaire thermique dont l’énergie cinétique demeure inférieure à 0,5 électronvolt (eV), même si le gaz dans le réservoir est à une température de 3 000 K.

Au contraire, si0 est plus petit et surtout beaucoup plus petit que D (à haute pression P0, par exemple 50 bar à température ambiante, pour D = 0,1 mm), une multitude de molécules peuvent sortir ensemble du réservoir et former un jet supersonique par détente adiabatique sous vide produite avec de très nombreuses collisions et un fort refroidissement. Ainsi, l’écoulement devient de plus en plus ordonné, car l’agitation thermique est de plus en plus faible à basse température et les collisions sont de plus en plus rares aux basses pressions obtenues en fin de détente. À partir de cet état ordonné du jet, on peut aussi extraire, à l’aide d’un diaphragme approprié, un faisceau appelé faisceau moléculaire supersonique (fig. 2) couvrant les domaines des énergies thermiques (de 0,01 à 0,5 eV) et intermédiaires (de 0,5 à 40 eV).

Une troisième méthode de production de faisceau moléculaire consiste à créer d’abord des ions dans un réservoir de gaz à basse pression (face=F0019 黎 10–3 mbar), à les extraire ensuite au moyen d’un champ électrique pour former un faisceau et finalement à neutraliser partiellement le faisceau d’ions par échange de charge électrique. Cette technique permet d’obtenir des faisceaux moléculaires de haute énergie (de 25 à 104 eV).

Les particules neutres formant un faisceau moléculaire peuvent être non seulement des atomes ou des molécules polyatomiques stables, mais aussi des espèces dans des états excités métastables, des atomes tels que H, O, N..., ou plus généralement des radicaux libres obtenus par dissociation de molécules polyatomiques, ou encore des molécules de van der Waals à très faibles énergies de liaison, qui, dans des conditions ordinaires, ont des durées de vie très courtes, enfin, des agrégats moléculaires ou clusters en anglais, etc. Les divers types de faisceaux moléculaires se distinguent moins par la nature des particules neutres qui les constituent que par les techniques différentes pour les produire dans des domaines d’énergies qui se recouvrent partiellement et surtout se complètent.

2. Production

Faisceaux moléculaires thermiques (de 0,01 à 0,5 électronvolt)

La première réalisation de faisceau moléculaire a été faite en France par L. Dunoyer en 1911, à partir d’une source thermique. Son dispositif devenu classique (fig. 1) comprend essentiellement trois chambres 1, 2, 3 maintenues sous vide et ne communiquant entre elles qu’à travers deux orifices 1 et 2. Un gaz ou une vapeur produite dans un four (par exemple de la vapeur de sodium dans l’expérience de L. Dunoyer) se trouve dans la chambre 1 à l’état de chaos moléculaire. Les molécules s’échappent à travers 1 par effusion thermique et rayonnent dans un angle solide de 2 神. La répartition spatiale des flux est alors représentée par des vecteurs reliant 1 aux divers points d’une sphère tangente à l’ouverture 1 (fig. 1). Les molécules continuent dans le vide leur parcours rectiligne soit pour rebondir sur les parois de la chambre 2, soit pour traverser la deuxième ouverture 2 et former un faisceau moléculaire bien défini en chambre 3. Ainsi, avec le sodium, Dunoyer avait obtenu sur une plaque froide P un dépôt à profil trapézoïdal déterminé par l’éclairement de la source 1 à travers 2, ce qui montrait bien pour la première fois qu’en l’absence de collisions les molécules se propagent en ligne droite. Les faisceaux moléculaires thermiques ont permis de grands progrès en physique jusque vers les années 1950. Ils sont cependant insuffisants avec leurs énergies cinétiques (proportionnelles à la température absolue du gaz en chambre 1) qui n’atteignent pas 0,05 eV à 300 K et donc 0,5 eV à 3 000 K. De plus, ces faibles énergies ont des dispersions très larges correspondant à des distributions de vitesses maxwelliennes à la température de la source (fig. 3). Enfin, les faibles intensités et densités réalisables dans ces faisceaux classiques ont découragé de nombreux expérimentateurs qui ont recherché de nouveaux types de faisceaux moléculaires.

Jets et faisceaux moléculaires supersoniques (de 0,01 à 40 électronvolts)

Dans une analyse théorique de 1951, A. Kantrowitz et J. Grey ont suggéré de remplacer l’effusion thermique (fig. 1) par une extraction de jet supersonique libre (fig. 2). Un tel jet est formé dans une enceinte sous vide reliée à un réservoir de gaz ou de vapeur à haute pression (par exemple de 1 à 200 bar) à travers une microtuyère généralement cylindrique. Son diamètre D est par exemple de 0,1 mm mais toujours beaucoup plus grand que le libre parcours moyen du gaz dans le réservoir, maintenu à pression génératrice P0 élevée. Un écoulement supersonique sous vide se produit ainsi par détente adiabatique, c’est-à-dire sans échanges avec l’extérieur et avec de multiples collisions qui transforment progressivement les énergies thermiques initialement désordonnées en énergie cinétique de translation bien dirigée suivant l’axe de la tuyère. Il s’ensuit que la vitesse hydrodynamique ぴ, représentant ce mouvement axial d’ensemble, augmente au détriment des composantes perpendiculaires de vitesses. Cela donne une répartition spatiale de flux très allongée sur l’axe (fig. 2) qui, beaucoup plus que la forme sphérique obtenue par effusion thermique, favorise le flux axial et donc l’intensité d’un faisceau moléculaire. En même temps, les dispersions de vitesses suivant l’axe se resserrent autour de ぴ. Ainsi, pour un observateur mobile à la vitesse ぴ, l’agitation thermique dans le jet devient de plus en plus faible, les molécules de plus en plus monocinétiques (fig. 3) et leur température de translation (Ttrans) de plus en plus basse jusqu’à des valeurs trans 麗 10–2 K obtenues pour l’hélium. La vitesse du son a variant comme ‘ il;trans, il en résulte des nombres de Mach = U/a 礪礪 1, donc un écoulement qui est bien supersonique et même hypersonique avec = de 10 à 400.

Il est à la fois surprenant et extrêmement intéressant de pouvoir conserver l’état gazeux après un tel refroidissement, mais le processus de condensation, qui exige des collisions triples relativement rares, n’a généralement pas le temps de se produire au cours d’une détente rapide (de l’ordre de 10 猪s) où la fréquence de collisions simples ne cesse de diminuer pour devenir quasi nulle. Dans le cas des molécules polyatomiques, il faut tenir compte aussi des énergies internes de rotation et de vibration qui sont initialement en équilibre avec les énergies de translation. Au cours de la détente du gaz, la plus grande partie de l’énergie rotationnelle a le temps de se transformer par collisions en énergie translationnelle et, par suite, de contribuer au mouvement d’ensemble suivant l’axe. Il en résulte des températures rotationnelles (Trot) presque aussi basses que les températures translationnelles (Ttransrot 麗 1 K). Ainsi, la plupart des molécules peuvent se trouver dans l’état fondamental de rotation (nombre quantique J = 0). Au contraire, la relaxation vibrationnelle étant beaucoup plus lente et variable selon les molécules, les températures de vibrations (Tvib) s’abaissent beaucoup moins (Trot 麗麗 vib) et même peuvent rester plus ou moins figées (gel) à leur température initiale dans la tuyère.

Finalement, la vitesse moyenne des molécules sur l’axe est donnée par la conservation de l’énergie totale (cf. mécanique des FLUIDES). Dans certains cas où l’on peut produire un début de condensation par augmentation de pression et/ou abaissement de température du gaz dans la tuyère, il faut encore faire intervenir la chaleur libérée par ce processus. On a alors la possibilité intéressante de pouvoir créer dans le jet supersonique des agrégats moléculaires (clusters) allant depuis les molécules de van der Waals regroupant de deux à quelques atomes jusqu’à des microgouttelettes, ou des microcristaux, contenant entre des dizaines et des milliers, ou plus, de particules neutres.

Cette description des jets supersoniques a été faite pour une détente supposée dans un vide parfait. Deux approches expérimentales très différentes permettent d’aller vers ces conditions idéales. La première utilise d’énormes pompes à diffusion, ou des cryopompes, de 10 000 à 50 000 l/s, ou plus, pour maintenir une pression ambiante aussi basse que possible (P1 de 10–3 à 10–4 mbar). Ce vide est parfois encore amélioré (de 10–4 à 10–5 mbar) grâce à l’emploi de tuyères à écoulement intermittent produisant des jets «pulsés» à la fréquence de 1 à 10 Hz. Ainsi des jets continus, ou impulsionnels, peuvent être détendus avec faible perturbation due au gaz résiduel, jusqu’à des densités où les collisions sont très rares. La partie axiale de l’écoulement alors en régime moléculaire est facilement extraite à l’aide d’un diaphragme conique approprié (écorceur, ou skimmer en anglais) pour former un faisceau moléculaire. Cette approche due à J. B. Fenn (États-Unis) est simple mais elle exige de grandes installations qui, malgré d’énormes moyens de pompage, ont des performances limitées par les débits massiques relativement faibles à basse densité et l’impossibilité de réaliser un vide parfait.

Une approche différente, développée en France par R. Campargue et ses collaborateurs, consiste à produire le jet supersonique avec une pression ambiante aussi élevée que de 10–1 à 1 mbar. Les molécules résiduelles ont alors tendance à s’opposer à la détente du jet et provoquent ainsi la formation d’une structure d’ondes de choc à travers laquelle le gaz se recomprime et l’écoulement redevient subsonique (photo a). Dans une telle cellule fermée, le jet supersonique se trouve protégé contre les effets du gaz résiduel et la détente est réalisée comme dans le vide parfait jusqu’à des densités beaucoup plus basses qu’à l’extérieur. Dans la «zone de silence» ainsi créée, l’écoulement devient de plus en plus ordonné jusqu’à la rencontre du disque de Mach, une onde de choc normale que l’écorceur doit percer pour extraire un faisceau moléculaire juste en amont (photo b et fig. 2). Il apparaît ainsi un problème difficile d’aérodynamique, dû à une interaction très complexe entre le jet, sa structure de choc et l’écorceur, qui a été bien résolu par une étude minutieuse de la géométrie de ce diaphragme capable d’opérer actuellement jusqu’à Mach 400. Ce problème était beaucoup plus compliqué qu’avec un jet à basse densité, où la structure de choc ne se forme pas. Cependant, la possibilité d’extraire un faisceau moléculaire dans une zone de silence de jet libre donne les plus hautes performances même avec des appareils miniaturisés, grâce aux énormes débits massiques possibles à des pressions de 102 à 105 fois plus élevées que dans l’approche américaine. Cela permet en particulier de produire plus facilement des agrégats moléculaires. On peut aussi éviter la condensation dans un jet produit à haute pression génératrice P0 à condition de chauffer le gaz dans la tuyère. On le réalise soit par effet Joule jusqu’à 3 000 K, soit par décharge électrique (arc, radiofréquence) ou optique (laser) jusqu’à 20 000 K ou plus. Ainsi, tout en permettant d’éviter la formation d’agrégats si nécessaire, un tel chauffage augmente à la fois les densités, les intensités et les énergies dans les faisceaux supersoniques.

Faisceaux moléculaires de haute énergie (de 25 à 104 électronvolts)

La méthode de production des faisceaux moléculaires de haute énergie est fondée sur la neutralisation partielle par échange de charge d’un faisceau d’ions d’énergie bien déterminée. Ce processus est réalisé au cours de la traversée d’une cellule de gaz à faible pression, ou lors d’un croisement avec un jet moléculaire de basse densité. À la sortie de cette zone d’interaction, on a, d’une part, des ions que l’on dévie par un champ électrique, d’autre part, un faisceau de particules neutres se propageant dans la direction initiale et sensiblement à la vitesse des ions parents.

Cette technique est généralement employée à des énergies de 102 à 104 eV, mais l’échange de charge a permis aussi d’obtenir des faisceaux de neutres même au-dessous de 10 eV. C’est le plus difficile à réaliser, car l’intensité du faisceau d’ions parents est d’autant plus faible que la tension d’extraction (énergie des ions) est plus basse. Ainsi, les intensités passent de 1017 à moins de 1010 molécules par centimètre carré et par seconde quand l’énergie décroît de 105 à 10 eV. Les améliorations possibles dans le domaine des énergies intermédiaires sont liées au développement des sources d’ions de basse énergie. Des progrès ont été réalisés vers 1990 en remplaçant les ions positifs par des ions négatifs, plus faciles à neutraliser, et surtout en neutralisant un faisceau de plasma (mélange neutre d’électrons et d’ions) sur une plaque métallique qui réfléchit un faisceau de particules neutres. Ces deux techniques permettent de gagner, par rapport à la méthode classique de neutralisation des ions positifs en milieu gazeux, un facteur d’environ 103 (pour la première) à 106 (pour la seconde) dans l’intensité des faisceaux de neutres de 5 à 20 eV, le domaine d’énergie le plus difficile à réaliser.

3. Caractéristiques

Un faisceau moléculaire se caractérise essentiellement par sa composition en atomes, molécules, agrégats, son intensité (ou flux de particules par stéradian et par seconde), sa densité numérique (ou nombre de particules par centimètre cube), ses répartitions de vitesses ou d’énergies cinétiques, et, enfin, ses états d’énergie interne (électronique, vibrationnelle ou rotationnelle), avec même des orientations de molécules qui sont parfois privilégiées. L’analyse de la composition des faisceaux moléculaires est nécessaire à partir de mélanges (comme les faisceaux ensemencés qui s’enrichissent fortement en espèces lourdes), mais aussi lorsque de nouvelles particules sont créées par condensation. Cette analyse fait appel à la spectrométrie de masse, également aux diagnostics par laser et même à la diffraction électronique pour connaître la structure des agrégats moléculaires.

Les mesures d’intensités, ou de densités, qui sont reliées par la vitesse du faisceau, font généralement appel à l’ionisation par bombardement électronique (jauge de Bayard-Alpert, quadripôle) ou par fil chaud de tungstène (détecteur de Langmuir pour alcalins). La fluorescence et l’ionisation induites par laser [cf. LASERS], par processus à un ou plusieurs photons, sont aussi de plus en plus employées. On utilise enfin des détecteurs très sensibles fondés sur des effets de température (jauge de Pirani, bolomètre, thermopile), de pression (membrane, quartz), d’émission électronique secondaire (pour métastables et hautes énergies), etc. Les faisceaux moléculaires supersoniques sont de 102 à 105 fois plus intenses et plus denses que les faisceaux thermiques en donnant, selon les gaz et les conditions, de 1018 à 1021 molécules par stéradian et par seconde et de 1011 à 1014 molécules par centimètre cube. Au contraire, les faisceaux produits par échange de charge en milieu gazeux ont les densités et intensités les plus faibles (de 1010 à 1014 particules par centimètre carré et par seconde, entre 10 et 104 eV). L’échange de charge sur une surface permet cependant de rejoindre les caractéristiques des faisceaux thermiques.

Les distributions de vitesses sont déterminées à l’aide des techniques bien connues de temps de vol (dispositif de Fizeau). Ainsi, on a pu montrer que les dispersions d’énergies très larges des faisceaux thermiques (fig. 3) ont été remplacées par des répartitions quasi monocinétiques avec le développement des faisceaux supersoniques (fig. 3). Par exemple, il a été possible d’extraire d’une zone de silence de jet d’hélium des dispersions de vitesses ne dépassant pas 0,5 p. 100, ce qui correspond à une température trans 力 6 憐 10–3 K. Cependant, l’augmentation de la vitesse hydrodynamique ぴ, au cours d’une détente qui produit une telle monochromatisation, ne s’accompagne d’aucun accroissement spectaculaire d’énergie cinétique. On obtient, en effet, juste un peu mieux que les énergies thermiques, soit 0,063 eV pour les gaz rares et 0,088 eV pour l’azote à température ambiante, et il faut chauffer à 3 000 K le gaz dans la tuyère pour gagner un ordre de grandeur. Aux températures de 10 000 à 20 000 K accessibles avec l’arc électrique, la décharge radiofréquence, le tube à choc (onde de choc) et plus récemment le chauffage entretenu par laser, des énergies cinétiques de 3 à 3,5 eV ont été obtenues pour l’argon et l’azote. L’utilisation de telles techniques est limitée par la dissociation des molécules et l’ionisation partielle (plasma froid) lorsque ces processus sont à éviter, mais ils peuvent avoir des applications importantes. Heureusement, la méthode des jets ensemencés permet de limiter un tel chauffage en lui combinant une accélération aérodynamique de molécules lourdes par un gaz vecteur léger (hélium, hydrogène). Dans les jets de mélanges assez denses, toutes les molécules suivent en effet le même mouvement d’ensemble et un gain d’énergie voisin du rapport des masses est alors possible pour les méthodes lourdes à faible concentration (face=F0019 療 1 p. 100). Ainsi, des énergies de 30 à 40 eV ont été produites pour le xénon en combinant le chauffage de la tuyère (T0 力 2 000 K) à l’accélération aérodynamique dans un jet de H2. Avec un jet du type américain, le même mélange à la même température ne donne que 7 eV pour le xénon, par suite d’un glissement de vitesses entre molécules lourdes et légères, inévitable à basse densité. Enfin, d’une façon générale, il faut utiliser l’accélération des ions par champ électrique et l’échange de charge pour dépasser 10 eV avec la plupart des molécules.

L’analyse des états internes des molécules est plus complexe. Elle est faite par diverses méthodes spectroscopiques: fluorescence spontanée, fluorescence induite par laser ou faisceau d’électrons, diffusion Raman spontanée, ou diffusion Raman anti-Stokes cohérente, etc. [cf. LASERS]. On peut aussi utiliser la génération de troisième harmonique, avec résonance à deux photons, qui reflète l’état interne des molécules en jet supersonique [cf. OPTIQUE - Optique non linéaire]. Dans un faisceau moléculaire, il est encore possible de peupler des états internes bien définis, par exemple: par absorption de rayonnement laser, par transition hyperfine dans une cavité hyperfréquence.

4. Applications

Malgré leurs intensités, densités et énergies relativement faibles, les faisceaux moléculaires thermiques restent toujours très utiles dans la recherche. Ils servent notamment comme sources de référence, car ils sont les seuls à être bien définis théoriquement. Ils sont aussi utilisés dans les sources de gaz spéciaux comme les vapeurs de métaux réfractaires, les gaz corrosifs et, d’une façon générale, tous les gaz non disponibles, ou dangereux, ou trop coûteux, à haute pression.

Les faisceaux thermiques ont trouvé deux applications industrielles très importantes. La première est apparue dans les horloges atomiques à la suite du développement, depuis les années 1940, des étalons de fréquence des transitions de structure fine des atomes d’hydrogène et d’alcalins (Cs, Rb) principalement. Le nombre d’horloges atomiques en service dans les systèmes modernes de télécommunication, de navigation et de localisation dépasse probablement dix mille.

La seconde application industrielle des faisceaux thermiques est l’épitaxie par faisceau moléculaire, qui a fait des progrès considérables depuis les années 1960. Cette technique désignée couramment par M.B.E. (molecular beam epitaxy en anglais) a transformé la fabrication des composants électroniques, notamment les couches minces de semi-conducteurs, métaux ou diélectriques. Elle permet de régler d’une façon très fine les flux et les énergies thermiques des faisceaux (Si, éléments des groupes III-V) ainsi que la température du substrat, et de contrôler in situ, dans une enceinte à ultravide, la croissance épitaxique réalisée lentement par empilement d’atomes, ou molécules, que l’on peut suivre couche par couche.

La technologie a beaucoup apporté au développement des jets et faisceaux supersoniques, mais sans y trouver en retour, jusqu’à présent, des retombées vers de véritables applications industrielles. Il existe cependant une méthode d’analyse des gaz par extraction rapide sous forme de jet et faisceau supersonique, et couplage à un spectromètre de masse. Finalement, c’est dans la recherche fondamentale que l’on trouve en fonctionnement des centaines d’appareils, ou plus, du type supersonique en régime continu ou impulsionnel. Seuls les systèmes à zone de silence (fig. 1 et 2) développés en France et les vannes pulsées sont commercialisés actuellement.

Un faisceau moléculaire supersonique, reflétant les propriétés du jet dont il est extrait, permet l’étude indirecte de ce jet avec ses divers effets de relaxation translationnelle ou interne, de condensation, de séparation des masses... Les jets supersoniques élargissent considérablement les domaines d’applications des faisceaux thermiques grâce à leurs caractéristiques bien meilleures et à des possibilités supplémentaires résultant de leurs propriétés spécifiques. Par exemple, avec un faisceau d’hélium, on a un monochromateur (0,5 p. 100 de résolution) de longueur d’onde = h/p 黎 0,1 nm variable avec la température de la tuyère, qui est très intéressant pour l’interaction gaz-surface. Avec une résolution en énergie de un milliélectronvolt, ce même appareil est très puissant en physique atomique et moléculaire pour déterminer les sections efficaces de collisions élastiques et, par suite, les potentiels intermoléculaires, ou encore pour résoudre des structures même rotationnelles produites par des collisions inélastiques. De plus, l’ultrarefroidissement obtenu surtout par ensemencement dans des jets d’hélium (Trot 力 de 0,1 à 1 K) permet d’éliminer les bandes chaudes de rotation et, par suite, de simplifier et même de transformer la spectroscopie optique des molécules. Cette méthode née en France est maintenant devenue universelle. De plus, elle rend possible une excitation sélective des variétés isotopiques 235/238U6 et, par suite, leur séparation par laser.

Encore, les faisceaux supersoniques ont les énergies de 1 à 10 eV qui sont les plus intéressantes dans l’étude des collisions par faisceaux croisés avec échange d’énergie, de charge, ou d’atome (réactions chimiques), éventuellement activé par une excitation interne. Ces faisceaux énergétiques trouvent aussi des applications dans l’interaction gaz/surface. Les sources d’oxygène atomique ont un intérêt particulier pour la simulation de l’environnement spatial en orbite basse terrestre (de 150 à 600 km). À cette altitude, l’espèce dominante O(3P) provenant de la dissociation de 2 par le rayonnement ultraviolet (qui dissocie beaucoup moins 2) est très agressive vis-à-vis des matériaux des engins spatiaux qui la rencontrent à la vitesse orbitale de 8 km/s. Ainsi, d’importants programmes de recherche et développement ont été lancés pour la réalisation de faisceaux d’oxygène de 8 km/s, soit 5 eV, devant permettre de simuler, en quelques jours ou quelques semaines, l’érosion des surfaces au cours de missions spatiales de dix à trente ans. De tels faisceaux d’oxygène énergétique sont produits à partir de jets supersoniques de plasmas (chauffés à 10 000-20 000 K par décharge par arc, radiofréquence, ou laser) qui doivent permettre aussi de simuler directement la rentrée des engins dans l’atmosphère. Enfin, les agrégats moléculaires créés dans les jets et faisceaux supersoniques peuvent avoir des applications dans des domaines très variés: lasers, séparation isotopique, physique du solide avec de nouvelles structures, catalyse étudiée à l’aide de clusters métalliques, etc. Avec les densités les plus élevées, les faisceaux condensés offrent les meilleures cibles sans parois dans les expériences de fusion thermonucléaire et dans les grands accélérateurs de particules (Saturne, G.A.N.I.L.). Ils ont aussi été utilisés pour la croissance épitaxique et les couches minces, mais, dans ce domaine, les faisceaux thermiques sont très largement les plus employés.

Les faisceaux moléculaires obtenus par transfert de charge ont aussi de nombreuses applications, surtout dans le domaine des hautes énergies (face=F0019 黎 103 eV). Ils permettent de connaître, par exemple, les échanges thermiques et les forces aérodynamiques entre gaz raréfié et corps se déplaçant à grande vitesse, les phénomènes de pénétration, arrachement et éjection sur les solides... Il en résulte diverses applications dans le dégazage des surfaces, le dopage des cristaux semiconducteurs, la pulvérisation, la production de couches minces, l’analyse des surfaces, le contrôle des réactions chimiques superficielles,etc.

En conclusion, la transformation, dans les milieux gazeux, de l’état normal de chaos moléculaire en mouvement ordonné sous forme de jet ou de faisceau moléculaire a permis des progrès considérables, surtout en recherche fondamentale. Ainsi, les bases de la physique ont pu être vérifiées grâce aux faisceaux thermiques, qui ont actuellement des applications industrielles dans l’épitaxie et l’horloge atomique. Les jets et faisceaux supersoniques sont plutôt tournés vers la chimie, notamment pour la réalisation de nouveaux produits ou de structures particulières (fullerènes, par exemple) ou l’étude fondamentale des mécanismes élémentaires de réactions produites par faisceaux croisés. Le mouvement ordonné, à la fois orienté, monochromatique et d’énergie cinétique variable, dans ces jets et faisceaux de particules ultrafroides mais non condensées, avec cependant la possibilité de condensation partielle pour former des agglomérats, ou de production de déséquilibres sur les niveaux d’énergie interne allant jusqu’à des inversions de populations, ou encore d’orientations privilégiées des molécules, etc., apparaît presque comme un nouvel état de la matière qui permet de la voir différemment et de la sonder plus facilement que dans l’état gazeux de chaos moléculaire. Ainsi, il n’est pas surprenant de trouver les jets et faisceaux supersoniques, comme on l’a montré ci-dessus, dans la quasi-totalité des domaines de la recherche fondamentale. De plus, il ne fait aucun doute que certaines applications actuellement potentielles deviendront prochainement industrielles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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